À savoir sur la crise de la chaise vide qui a paralysé l’Europe en 1966
La construction européenne nous apparaît parfois comme linéaire a posteriori. La succession des différents traités ayant mené à l’Union Européenne d’aujourd’hui semble en effet suivre une trajectoire cohérente et progressive, de la collaboration économique à l’intégration économique. Pourtant, divers soubresauts, oppositions et contestations ont émaillé le processus d’élaboration. Retour sur l’un des plus fameux, la crise de la chaise vide en 1966.
Les origines de la crise de la chaise vide
Comme nous le rappelle le site https://www.parlorama.eu/le-traite-de-rome/, expert en matière d’histoire de la construction européenne, les traités de Rome et de Paris, respectivement ratifiés par l’Europe des six en 1951 et 1957, constituent des événements fondateurs de l’Union Européenne. La Communauté Européenne de l’Acier et du Charbon puis la Communauté Économique Européenne dont accouchent ces deux traités fonderont ainsi l’approche supranationale qui présidera aux destinées du continent dans les décennies suivantes.
Mais au sein de la jeune communauté, divers points de vue coexistent. La France, sous l’impulsion de Charles de Gaulle, président d’alors, souhaite une « Europe des États » plutôt qu’une fédération à caractère supranational, au contraire des États membres, notamment la RFA, et des pères fondateurs, Monnet et Schuman en tête. Pour marquer sa désapprobation, De Gaulle décide donc suspendre la participation de la France au Conseil des Ministres de la CEE. La crise de la chaise vide bloque alors toute prise de décision.
Les raisons de la crise
La crise de la chaise vide est le résultat de visions diamétralement opposées au sein de la communauté. Entre une Europe centralisée, pour laquelle les institutions orienteraient la politique et une Europe souverainiste, qui laisserait plus de liberté décisionnelle aux gouvernements nationaux, la rupture était inévitable. Mais cette politique de blocage du processus décisionnel de la CEE, qui dura du 30 juin 1965 au 30 janvier 1966, a été déclenchée par des points de discorde très précis.
Lorsque De Gaulle lance la politique de la chaise vide, il le fait d’abord pour protester contre la modification du principe d’unanimité dans la prise de décision au profit de la règle majoritaire. En outre, il refuse d’accepter l’extension du rôle du Fonds Européen d’orientation et de Garantie Agricole, tout comme l’élargissement des compétences du Parlement Européen.
Le compromis du Luxembourg
La crise de la chaise vide a ainsi duré sept mois. En décembre 1965, lors des élections, De Gaulle voit sa position sur le plan intérieur renforcée après sa victoire face à François Mitterrand, même si celui-ci a réussi à le mettre en ballottage. Et le mois suivant verra la résolution de la crise de la chaise vide, par ce qu’on appellera le compromis du Luxembourg.
La France voit son souhait partiellement satisfait puisque l’idée de la règle majoritaire est bannie dans le cadre des prises de décisions importantes. Concrètement, lorsqu’une question concerne un « intérêt vital », les membres du Conseil doivent nécessairement trouver un compromis. Certains y verront plus tard un garde-fou contre la perte de souveraineté des états, tandis que d’autres lui reprocheront d’être à l’origine des blocages institutionnels qui mineront maintes fois les avancées communautaires.