Sandrine Lefebvre-Reghay : des petites fugues colorées
Les petites fugues est un recueil de quatre nouvelles, ou plutôt de quatre pensées découlant de l‘imaginaire de Sandrine Lefebvre-Reghay, écrivain français et entrepreneuse multi-casquettes, pour qui la rédaction est avant tout une échappatoire pour proposer au lecteur, avec pudeur, des histoires où fiction et réalité ne semblent former plus qu’une seule entité. Auteur de Sawsan et de L’Enfant Maudit, ce nouveau recueil expérimental invite dans de multiples univers, dont les clés sont détenues par l’auteure.
Un recueil où gravitent des émotions humaines
Les inspirations de Sandrine Lefebvre-Reghay découlent avant tout de thèmes classiques – l’éducation, les sujets de société, la religion, l’enfance ou encore la vie de couple. Chaque thème s’accroche à une émotion, une approche humaine, une réflexion de nos actions et pensées.
Pour surprendre le lecteur, outre un style qui mêle les genres de la poésie, de l’épistolaire et des chansons, la construction du recueil n’est ni empirique ni apothéotique. Chaque nouvelle qui compose ce recueil peut être lue de manière individuelle, car chaque personnage appartient à un univers différent du nôtre. Ainsi, les « petites fugues » prennent tout leur sens, puisque c’est une invitation de l’auteur à fuir, pendant quelques instants, notre propre monde, pour plonger dans le sien.
La réflexion de soi au cœur de chaque nouvelle
Transparence, première nouvelle et ouverture sur son recueil, est sans doute une histoire pleine de contrastes entre humour et tristesse. Dosés avec une belle perspicacité, le lecteur s’amuse durant toute la lecture, tout en retenant ses émotions devant l’impotence des personnages. Cette nouvelle reprend un thème classique, pour le revisiter de manière originale : la jeunesse de l’amour d’un jeune couple, qui a cédé à l’ennui d’une routine mortelle. « Elle ne sait pas si elle l’envie ou si elle le déteste. » En ouvrant sur ce paradoxe, les sentiments des personnages sont teintés d’amertume, de haine, d’amour et de tristesse… Rappelant en chacun de nous nos propres histoires d’amour, égratignées par le temps.
Le Téléphone est une nouvelle burlesque qui mérite d’être lue à chaque fois que vous présentez un coup de blues. Vous aimez votre téléphone : mais vous le rend-il ? C’est en se basant sut cette idée un peu folle, que Sandrine Lefebvre-Reghay révèle tout le potentiel (saugrenu) des attachements numériques. A contrario du film Her, ici le téléphone s’éprend d’amour pour sa propriétaire et lui fait vivre moult péripéties.
Lettre à mon père est l’histoire d’une vie, où les propos mêlent tous les sentiments les plus contradictoires de l’homme. En nommant l’impossible, en décrivant avec justesse ses émotions et ses réflexions, chaque ligne nous plonge dans le cœur d’une femme qui a souffert toute sa vie de l’absence d’un père peu aimant, peu présent, créant une distance encore plus grande que celle de la terre à la lune. La question de l’hérédité du sang, des amours familiaux, du pardon, de la religion et de la politique sont les piliers de cette histoire. Poignant pour ceux qui n’ont jamais osé dire leurs pensées les plus profondes, bouleversant pour ceux qui l’ont vécu, les aspérités du personnage sont analysées avec rétrospection, faisant de cette nouvelle une véritable crise identitaire, menant à une quête de soi. Ainsi, le style s’article avec une ponctuation pugnace, atténuée par la religion et l’amour … « Il y avait entre lui et moi, une barrière infranchissable, celle-là même que Dieu a créée entre deux mers. » Aussi trouble que l’océan, ce recueil est l’attente de l’autre et la poursuite de soi pour trouver le bonheur et la paix.
La fin du recueil s’achève sur PASTICHE. Une question : celle de la dissertation. Une réelle querelle d’engagement sur le formalisme universitaire y est proposée. Les personnages s’entrecroisent, sans identité, pour une écriture expérimentale des mots et de leurs sens.
L’Humanité : le fil conducteur
Les petites fugues est source d’interrogations sur soi, sur ses relations, l’utilisation de ses petites cellules grises pour amadouer ses sentiments contradictoires. Le choix d’une construction dénaturée de temporalité, d’un personnage unique et d’un seul genre stylistique omniprésent, donnent matière à réflexion.
Ce livre est la réponse, peut-être audacieuse, sur la question de ce qu’est l’humanité, celle qui est source de notre identité et de nos valeurs.
Petites fugues
Sandrine Lefebvre-Reghay
Parution : 05-02-2020
Éditeur : Les Editions du Net
ISBN: 978-2-312-07170-1
Nombre de pages : 118
Prix : 9€10